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Église Protestante Unie Manche Sud

Blog d'actualités des églises de la Manche (Sud) Saint-Lô | Granville | Agon-Coutainville Suivez-nous également sur Facebook !

le pardon, culte du 30 mars à Saint-Lô

Publié le 2 Avril 2014 par Association cultuelle de l'Eglise protestante unie de Saint Lô-Manche Sud.

le pardon, culte du 30 mars à Saint-Lô

Lectures:

Psaume 32: 1-7

Genèse 4: 3-15

Matthieu 18:21-35

PREDICATION

Frères et sœurs, je suis souvent frappé, dans les rencontres que je fais avec des hommes, des femmes, et même des enfants, par la difficulté du pardon.

Mais plus encore que le pardon envers autrui, c'est le pardon vis-à-vis de soi-même qui pose problème. Il y a des tas de choses, des tas d'erreurs, des tas d'imperfections que l'on ne se pardonne pas à soi-même quand bien même le mal occasionné n'a pas été forcément grave, ou à tout le moins n'est plus d'actualité.

Dans son journal écrit pendant la guerre, Etty Hillesum, jeune hollandaise d'origine juive, morte à Auschwitz, écrivait : « Il faut d'abord apprendre à se pardonner ses défauts si l'on veut pardonner aux autres. C'est peut-être l'un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain, que celui du pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes. La condition première en est de pouvoir accepter, et accepter généreusement, le fait même de commettre des fautes et des erreurs. »

En effet, comment pardonner aux autres, ou comment pardonner les autres, si l'on ne se pardonne pas à soi-même ?

Mais peut-on toujours pardonner ?

Je vous propose maintenant de revenir à notre texte du jour afin de montrer que bien que divins la proposition et l'injonction du pardon ne sont pas des processus simples. Car nous ne sommes pas des machines, mais des humains, avec nos histoires, nos souffrances, nos psychologies, nos caractères.

Pierre pose à Jésus une excellente question, tout à fait en phase avec la réalité des relations humaines. En effet il fait allusion à quelque chose que nous connaissons bien : la répétition. La répétition de telle attitude, de telle acte, de telle parole.... qui nous blessent, nous agacent, nous mettent à rude épreuve !

Nous pouvons entendre le soupir : « Encore une fois ! Décidément tu ne changeras jamais ! Jusqu'à quand vais-je me faire avoir ? Jusqu'à quand vas-tu me faire souffrir ? Maintenant tu te tiens à carreau ou c'est terminé ! » etc, etc....

« Combien de fois, demande Pierre, pardonnerai-je à mon frère, quand il péchera contre moi ? Jusqu'à 7 fois ? » Et Jésus lui répond : « Je ne te dis pas jusqu'à 7 fois, mais jusqu'à 70 fois 7 fois »

Que ce soit 7 fois ou 70 fois 7 fois, en réalité le symbole est le même. Le 7 fait référence au 7ème jour de la création, au chabbat, et donc à une plénitude.

Mais en disant 70 fois 7 fois, Jésus rappelle à Pierre que c'est bien dans ce sens de plénitude , de toujours, qu'il faut prendre le 7, et non dans sa limite numérale.

C'est toujours qu'il faut pardonner, et ce toujours ne peut être traduit en milliers ou en millions de fois.Il est d'un autre ordre.

Je ne sais plus qui disait, d'une manière familière : « Il faut bien vivre avec les gens comme ils sont ; ils n'y en a pas d'autres. » L'affirmation de fond, c'est donc que ton frère est ton frère, et que cette fraternité implique forcément des inéquations, des malentendus, voire des blessures mutuelles parfois des incompatibilités.

Mais en tout état de cause, il est essentiel de pacifier la relation, de dénouer les conflits, il est essentiel de « laisser aller ton frère », autrement dit, de ne pas le tenir captif dans ta rancune ou ton désir de vengeance.

Qu'on se souvienne de Jacob et Esaü dans la Genèse. Après une rupture violente où Jacob a usurpé le droit d'ainesse et où Esaü veut tuer son frère , ils se retrouvent, se réconcilient puis chacun va librement son chemin.

Pardonner c'est libérer l'autre et se libérer soi-même.

Mais en réalité, ce n'est pas si simple et nous allons maintenant considérer les véritables difficultés du pardon.

D'abord il y a de l'impardonnable.

« Comment voulez-vous, me disait ce paroissien de Dieppe, que je pardonne à ce chauffard qui avait bu et qui a tué mon petit-fils de 14 ans . Il a détruit notre famille ?»

« Comment voulez-vous, disait cette femme juive, que je pardonne à la place de tous ceux qui ont été anéantis, de tous ceux qui ont tant souffert, quand bien même je le voudrais je ne m'en sent pas le droit. »

« Comment voulez-vous que je pardonne à ceux qui ont donné à ma fille des hormones de croissance et l'ont condamnée à une mort affreuse ? » me disait cette mère , tout en me disant aussi combien elle s'en voulait à elle-même d'avoir demandé ce traitement pour sa fille, et combien elle était consciente de la complexité des questions de recherche et application médicale .

Ces trois exemples font référence à des catégories différentes de l'impardonnable. On pourrait en ajouter d'autres.

Mais je dois dire que chez aucune des trois personnes que je viens de citer, je n'ai entendu s'exprimer un désir de vengeance . Un désir de vérité oui, un désir de clarté, un désir de justice.... mais en aucune façon un désir de vengeance !

« Quelle vengeance serait à la mesure de ce que nous avons souffert »,me disait l'une d'entre ces personnes ? « cela n'a aucun sens, et au fond, même à mon pire ennemi je ne souhaiterais pas faire vivre ce que j'ai vécu, car je ne peux m'empêcher de voir en lui un être humain. »

Un jour nous parlions de cette question de la vengeance avec un ami pasteur (Anderson Moubitang, pour ne pas le citer) Et nous nous faisions mutuellement la remarque que parfois, devant de l'impardonnable, devant des crimes insoutenables, il est possible d'éprouver un désir fantasmatique de vengeance.

Et lui, qui avait beaucoup travaillé les psaumes, sans aucun doute plus que moi, me confiait que c'est dans cet esprit qu'il lisait les terribles versets qui en appellent à la mort et à la destruction des ennemis.

Cet appel de la victime demandant à son Dieu de le venger à un côté thérapeutique , me disait-il . Il permet de ne pas passer à l'acte, et de retrouver confiance, car Dieu seul fait justice à l'opprimé, à l'humilié, à la victime .

Cela ne veut pas dire que la vengeance n'existe pas, et on sait qu'il y a de terribles règlements de compte dans les guerres et les conflits, mais le droit international a justement pour objectif d'encadrer et de réguler au mieux les conflits afin de ne pas ajouter de l'impardonnable à l'impardonnable.

L'autre difficulté du pardon, réside dans le fait que le pardon est relationnel. Comment le donner s'il n'est pas demandé ?

Evidemment on peut désirer, en bon chrétien, se montrer magnanime. Mais quel sens à un pardon donné sans être demandé, et qui a alors de fortes chances de na pas être reçu ?

C'est difficile de pardonner à qui ne demande pas le pardon. Pourquoi ?

Si le prétendu offenseur ne demande pas pardon ce peut-être , dans le meilleur des cas, parce qu'il n'a pas conscience d'avoir offensé son prochain .

Ce peut-être aussi parce qu'il inverse les choses, et se voit lui-même comme victime de celui qu'il a pourtant offensé.

Combien de fois nos relations humaines ne sont-elles pas pourries par ces malentendus. Chacun se sent victime de l'autre , voudrait pardonner, mais attend que l'autre s'excuse , ce qu'il est incapable de faire.

Mais ce peut être aussi parce que l'offenseur persiste dans sa malveillance et s 'enferme dans la haine de l'autre. Alors, il ne veut surtout pas de pardon.

Et cela peut nous éclairer dans notre lecture de la parabole racontée par Jésus.

En effet, l'attitude du serviteur à qui son maître remet complètement sa dette, son attitude féroce envers son propre débiteur montre qu'il est enfermé dans son propre monde, sa propre logique, et qu'il est, pour l'instant, incapable de saisir la main tendue, incapable de comprendre le sens de la bonté du maître.

Et cela va le conduire à sa perte, il va se condamner lui-même, puisque finalement le maître sera bien obligé d'appliquer la justice dans toute sa rigueur alors qu'il voulait exercer sa miséricorde.

Mais quelle est cette logique du débiteur impitoyable ? Pourquoi fait-il cela ? Ne sommes nous pas tous scandalisés par sa réaction qui nous semble incompréhensible ? Bénéficier d'une immense générosité ne nous pousse-t-il pas à nous montrer généreux à notre tour ?

Or là c'est le contraire qui s'est passé, Il y a donc une véritable perversion .

Au lieu de faire naître la générosité, la bonté a fait naître la dureté, au lieu d'engendrer de la reconnaissance, la grâce du maître a généré de la haine et de la colère.

Pourquoi ? Comment cela se fait-il ?

C'est difficile à dire. Mais il arrive parfois – et même souvent – que la bonté soit méprisée, que la grandeur d'âme soit mise en doute, que là où quelqu'un se montre généreux le bénéficiaire croit déceler un piège, un calcul, de l'intérêt. Et loin de se laisser attendrir par la Grâce, il se laisse durcir par l'esprit de méfiance.

Sans doute le maître a-t-il agi envers son serviteur comme il aurait aimé que l'on agisse envers lui-même !!! Mais il ne s'interroge pas vraiment sur la personne qu'il a en face de lui. Il n'entend pas l'avertissement. Le maître n'écoute pas ce que lui demande son serviteur débiteur, ce dernier ne lui demande pas d'effacer sa dette. Il lui demande du temps pour la payer, même s'il est vrai que cette dette est bien trop importante pour que cela soit possible .

Un homme, serviteur d'un maître très dur, peut très difficilement se réjouir instantanément de la grâce qui lui tombe dessus . Et plus cette grâce est importante, moins il est capable de l'intérioriser. Cela peut le rendre fou.

Et si le serviteur est inconscient de la réalité de sa dette, il est également incapable de réaliser le cadeau du maître, et encore plus de faire le lien de cause à effet entre sa situation à l'égard de son maître et celle de son compagnon à son égard ( 42 millions de deniers – 100 deniers) Si on lui disait quelque chose il répondrait sûrement : « Mais cela n'a rien à voir ! »

Donc pour lui apprendre que cela a quelque chose à voir, le maître est obligé de revenir à son attitude première : la justice dans toute sa rigueur et sa sévérité.

Peut-être eut-il mieux valu qu'il se montrât plus circonspect et qu'il établisse un calendrier de remboursement !

Alors que pouvons-nous conclure de cet enseignement de Jésus et de cette parabole ?

Selon la réponse que Jésus fait à Pierre, nous devons être toujours dans la disposition du pardon . De la même manière que Dieu est sans cesse disposé à nous pardonner.

Mais ce pardon est relationnel, il ne peut s'exercer sans prise en compte de l'autre, de ce qu'il est et de ce qu'il n'est pas, de sa disposition à demander et encore plus à recevoir le pardon.

Pardonner ou ne pas pardonner ne peut dépendre de notre seule émotion, de notre seule capacité de compassion, de notre seul désir de pardonner. Le discernement et la sagesse sont nécessaires. Un pardon accordé trop vite, trop facilement, peut causer des catastrophes et faire naître de la haine au lieu de l'amour . C'est terrible. Mais Jésus nous met en garde avec le récit du débiteur impitoyable.

Abstenons-nous de la haine et de la vengeance. Et prions Dieu qu'il nous donne son pardon à la mesure de ce que nous pouvons recevoir et de ce que nous pourrons donner à notre prochain.

AMEN !

Michel Desiage-Urbain

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